Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a été une fois de plus modifié le 24/7/2006 et l'édifice ainsi achevé ressemblait à s'y méprendre au programme du Front National de 2002, celui là même contre lequel, comme un seul homme, la France d'alors votait pour sauver la République...
A l'époque de sa réforme, selon Nicolas SARKOZY, " malgré l'ampleur du travail accompli depuis 4 ans, la remise en ordre de la politique française de l'immigration n'en est qu'à ses débuts "... ainsi donc, le pire restait à venir, alors même que cette nouvelle réforme donnait à la France un visage qui ne l'honore pas, et alors même que cet homme politique n'était pas encore Président de la République... La réforme s'organisait en 3 axes : elle créait davantage de " sans-papiers ", elle précarisait les étrangers en séjour régulier et elle s'efforçait d'augmenter le nombre d'éloignements forcés du territoire national. 1. Création de " sans-papiers " a. En exigeant un visa de long séjour Ainsi par exemple, les conjoints de français doivent pour obtenir un titre de séjour obtenir au préalable un visa de long séjour, et plus seulement être entrés régulièrement en France. Ils ont donc le choix : rentrer dans leur pays d'origine et attendre la réponse des autorités consulaires (tenues de statuer " dans les meilleurs délais "... autant dire sans vraiment de délai) ou demeurer sans papier en France jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions leur permettant d'obtenir ce visa directement auprès du Préfet (c'est-à-dire vivre en France avec leur conjoint pendant au moins 6 mois sans se faire arrêter) ou s'ils sont rentrés sans visa de court séjour, jusqu'à ce que la préfecture consente à les régulariser, étant précisé qu'ils ne sont désormais protégés contre une mesure d'éloignement qu'après 3 années de mariage... b. En supprimant des possibilités légales de régularisation C'est le cas dramatique des parents étrangers d'un enfant gravement malade qui ne pourrait se soigner dans son pays d'origine et à qui jusque là, on délivrait des autorisations provisoires de séjour puis des cartes de séjour afin qu'ils puissent demeurer auprès de l'enfant malade et que ce dernier puisse se soigner en France. Grâce à l'UMP, la loi prévoit que le préfet délivre une simple autorisation provisoire de séjour (sans nécessairement octroyer le droit de travailler) à un seul des deux parents. Il faut donc choisir lequel des deux parents pourra demeurer auprès de l'enfant malade, l'autre étant alors supposé rentrer au pays... C'est aussi le cas de ces étrangers résidant habituellement en France depuis plus de 10 ans, à qui les préfectures devaient délivrer une carte de séjour (même si en pratique elles exigeaient la preuve de ces années de clandestinité en France parfois avec la plus profonde mauvaise foi). La rédaction issue de la loi du 24/7/2006 du CESEDA supprime cette catégorie prévue par la loi comme donnant droit " automatiquement " à un titre de séjour. Toutefois, elle permet tout de même la régularisation pour ce nouveau sans-papiers, mais aussi d'une façon générale pour l'étranger " dont l'admission exceptionnelle au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ". c. En modifiant les possibilités légales de régularisation Comme le plus souvent, toutes ces situations humaines et bien d'autres étaient résolues par les tribunaux administratifs par le recours à l'article 8 de la CEDH protégeant les liens personnels et familiaux d'un étranger en France, et par son pendant dans le CESEDA, l'article L 313-11 7°... or le CESEDA te qu'issue de la loi du 24/7/2006 énonce des critères d'appréciation de ces liens qui ne manquent pas d'asseoir des refus de titre de séjour par les préfectures. Ainsi si les liens personnels et familiaux doivent être appréciés au regard de leur intensité, leur ancienneté, leur stabilité et la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, qu'en sera-t-il de ce critère pour le moins subjectif des " conditions d'existence de l'intéressé " ou encore de son " insertion dans la société française ". 2. Précarisation des étrangers en séjour régulier a. En retirant ou en ne renouvelant pas des titres de séjour à des étrangers La loi prévoit davantage de situations dans lesquelles on ne renouvellera pas son titre de séjour à un étranger. C'est le cas de l'étranger dont on aurait plus besoin, l'immigration jetable. Ainsi du travailleur qui n'a plus de travail, ou plus l'emploi qu'il devait occuper, ou plus l'emploi dans la zone géographique où il devait travailler... avant l'administration pouvait, maintenant l'administration doit, sauf exceptions. Ainsi encore du sportif ou de l'artiste bénéficiaire de cette nouvelle carte de séjour " compétences et talents ", qui ne participerait plus " au rayonnement de la France " (c'est-à-dire le footballeur... qui perd) et qui perd ainsi son droit au séjour. C'est aussi le cas de l'étranger qui travaillerait trop : l'étudiant qui dépasserait le nombre d'heures de travail salarié autorisées par la loi ne se voit plus seulement refuser son autorisation de travail, mais également son droit de séjourner et d'étudier en France. Mieux vaut être riche lorsqu'on veut étudier en France ! C'est enfin le cas de l'étranger qui se comporterait mal : condamné pour outrage ou rébellion, pour excision ou pour avoir fait travailler un sans papiers, ou encore la prostituée qui dénoncerait son proxénète qui se voit délivrer une carte de séjour temporaire mais n'accéde à la carte de résident de 10 ans que si elle arrive à faire condamner ledit proxénète par la justice... b. En rendant plus difficile encore l'obtention d'une carte de résident plutôt qu'une simple carte de séjour d'un an Pour tous les étrangers qu'on n'aura pas pu empêcher de demeurer légalement en France, le législateur a prévu un arsenal l'empêchant d'obtenir une carte de résident plutôt que son annuelle carte de séjour. L'obtention de la carte de résident n'est plus possible qu'après 5 années de séjour régulier (au lieu de 3 années auparavant, et au lieu d'être automatique après 5 années de délivrance d'une carte de séjour d'un an " vie privée et familiale "). Elle n'est plus que possible après 3 ans de mariage pour les conjoints de français et n'est également possible pour les parents d'enfants français qu'après 3 années... alors qu'on sait que ces gens ont vocation à résider durablement en France. Dans tous les cas, il faut encore que l'étranger respecte les principes régissant la république française et maîtrise la langue française, ces éléments étant appréciés par les Maires de France... diversement selon les communes. c. En empêchant l'étranger d'être rejoint par sa famille par la procédure de regroupement familial Le regroupement familial est limité par la loi. Les conditions de ressources sont resserrées (sont exclus des calculs certains prestations sociales, ce qui ne change en fait rien puisqu'il fallait de toute façon avoir des ressources équivalentes au SMIC) car en France, pour vivre en famille, il faut être suffisamment riche. Les conditions d'appréciation de la suffisance du logement de l'étranger sont désormais appréciées selon les zones géographiques et plus selon des critères nationaux et équitables. Enfin il faut que l'étranger, qui souhaite être rejoint par sa famille, vive en France depuis 18 mois (contre 12 mois précédemment) et se conforme aux principes qui régissent la République Française. Le Maire a, là encore, un avis à donner. Nul doute que certains Maires de France ont du mal à voir d'un bon oeil l'arrivée d'autres étrangers dans leur commune... 3. Augmentation des éloignements forcés a. En limitant la protection légale de certains étrangers contre l'expulsion ou la reconduite à la frontière Ainsi l'étranger vivant en France depuis 10 ans n'est plus légalement protégé contre l'éloignement forcé. Le conjoint de Français ne l'est plus qu'après 3 années de mariage et le parent d'enfant français doit s'être occupé de l'enfant depuis au moins 2 ans (au lieu d'un an) s'il ne s'en est pas occupé depuis la naissance. b. En modifiant les procédures de reconduite à la frontière C'est un pan important de la réforme Sarkozy qui se fixait des objectifs pour augmenter le nombre d'étrangers effectivement éloignés du territoire national. Après une demande de titre de séjour, un étranger qui se voit opposer un refus n'a plus que 30 jours pour saisir le Tribunal administratif (au lieu de 2 mois précédemment). Son recours est suspensif de l'obligation de quitter le territoire (qui lui a été faite en même temps que lui était notifié le refus de titre de séjour) et le tribunal doit juger l'affaire en principe en 3 mois. Toutefois, si l'étranger est arrêté par la police après le délai de 30 jours, il peut être placé en rétention et le tribunal initialement saisi du recours contre le refus de titre de séjour doit juger l'affaire en 3 jours. Les objectifs que souhaite atteindre l'UMP ne peuvent toutefois l'être en affrétant des avions ou des bateaux, mais en réintroduisant en France des convois de trains, quotidiennement et en masse vers l'étranger... Sommes nous prêts à supporter çà pour la France ? Est-ce bien nécessaire alors que notre pays a démographiquement besoin des étrangers ? Le discours du Front National n'en a-t-il pas été vulgarisé et renforcé? Est-ce à ce point devenu politiquement correct en France de mettre en oeuvre une politique xénophobe ?
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