Les magistrats seraient donc frondeurs ? Des mots ont fâché autour de « l'affaire Laetitia ».
Malgré une belle mobilisation pour se faire respecter, il n'est pas certain que le message passe. Parce que les justiciables et d'autres avec eux sont imprégnés par des années de complicité de certains magistrats avec le discours hyper répressif ambiant. Parce que les justiciables et d'autres avec eux ont vu certains magistrats jouer le jeu de l'actuel président de la République avant même qu'il soit président. Parce que certains magistrats, en fait, ont perdu toute crédibilité à réclamer du respect. Respect de leurs fonctions et des institutions, respect que le justiciable peut souvent penser qu'on ne lui accorde pas à lui-même du côté des gens en robe. Le matin du 1er jour du mouvement, la Cour d'appel de Nîmes jugeait un homme pour des violences légères en réunion assorties de menaces de mort. Après un petit discours pour expliquer que les magistrats sont en colère et que les affaires non urgentes étaient renvoyées, et le jugement d'une affaire en visoconférence (même s'il est difficile de marier le mot "jugement" avec celui de "visoconférence", tant la justice ne ressemble vraiment à rien en 16/9ème), on prenait donc la seule affaire qui serait retenue, devant un public clairsemé mais saisi par ce qu'il allait vivre. Le jeune homme exécutait des petites peines jusqu'en 2012 mais visiblement, la Cour a considéré qu'il faisait partie des urgences et a souhaité juger son affaire plutôt que de la renvoyer aussi. En récidive, il ne s'exposait pas à la « peine plancher » compte tenu de l'ancienneté des faits. Schématiquement, on lui reprochait d'avoir frappé 2 codétenus et, après avoir été dénoncé par eux, de les avoir menacés dans un excès de colère. Le jeune homme d'expliquer comment depuis ses 14 ans, il a été élevé en prison et qu'après avoir été le faible parmi les faibles, il est devenu violent pour survivre à cette violence omniprésente qu'il subit lui aussi depuis 9 ans de détention. D'expliquer que son fils vient de naître et que son avenir est dehors, pas dedans, que sa concubine a besoin de son aide maintenant, pas de venir le voir au parloir encore et encore. De dire, avec une sincérité à pleurer, qu'il veut pouvoir faire quelque chose de sa vie, alors qu'il est père de son 1er enfant depuis 6 semaines, et que c'est pour ça qu'il demande une peine qui lui permette de commencer sa vie au plus vite. Les magistrats n'ont pas été de cet avis et c'est leur droit. Ce qui était beaucoup moins légitime, c'était le mépris de la personne qu'ils ont vomi sur ce jeune homme pendant toute l'audience. Les leçons de vie qu'ils se plaisaient à lui donner, du haut de leurs fonctions. Ces gens là ne se comprenaient pas. Lui qui avaient quitté l'école à 9 ans et s'était arrêté au stade de l'addition, ne comprenait pas ces hommes lettrés qui ne supportaient visiblement pas qu'il ait pu faire appel d'un jugement déjà sévère. Pendant le délibéré, le jeune homme a pu prendre son bébé dans ses bras (l'escorte, humaine elle, le lui ayant permis) et pleurer sur ce qui est, n'en déplaise à ses juges, son seul et véritable avenir. Les juges le condamnaient à une peine 5 fois supérieures à la peine plancher (qu'il n'encourait pas). Le respect, ça ne demande pas de moyens supplémentaires. Pour être respecté, il faut être respectable. Ce garçon ne devait sans doute pas l'être aux yeux de ses juges. Les juges ne le sont visiblement pas aux yeux des politiques. Mais quelle image le justiciable a des magistrats? M'est avis que ce jeune homme, toutes les personnes présentes dans la salle d'audience et les spectateurs de ces scènes assez quotidiennes, verront les robes noires défiler sans bien comprendre pourquoi elles réclament du respect.
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Le blogActualité juridique par Claude COUTAZ, avocat. Archives
Décembre 2023
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