Une réforme majeure de la procédure pénale se profile depuis plusieurs mois. Voici en 5 points les questions qui se posent le plus souvent autour de cette grande avancée des libertés individuelles.
1. Si je suis arrêté et placé en garde à vue, puis-je dire « Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat » ? Oui. Cette évidence cinématographique et télévisuelle qui n'est toujours pas une réalité en France existe pourtant bien. Le droit pour toute personne accusée d'une infraction de ne pas faire déclaration aux enquêteurs sans d'abord avoir reçu les conseils puis l'assistance d'un avocat est une liberté fondamentale. Aux Etats-Unis, ce droit est consacré depuis 1966 et on parle des « Miranda rights » (qui sont lus dès l'arrestation d'une personne soupçonnée par la police) du nom du justiciable qui s'est plaint le premier de la violation du 5ème et 6ème amendement de la constitution américaine. En France, ce droit est consacré par la Convention européenne des droits de l'homme depuis 1953, mais le pays des droits de l'homme que la France est supposée être tarde à l'appliquer. Le Ministre de la Justice annonce une réforme de la garde à vue qui devrait entrer en vigueur avant le 1/7/2011. Pourtant la pression augmente pour que cette réforme intervienne aussi vite que possible. Le Conseil constitutionnel a jugé non-conforme à la Constitution l'actuel régime de garde à vue qui ne prévoit un entretien « de courtoisie » de 20 mn avec l'avocat, sans accès au dossier de l'enquête, sans pouvoir assister aux interrogatoires, sans information du justiciable de son droit à garder le silence. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France le 16/10/2010 dans un arrêt BRUSCO qui rappelle le droit d'être assisté d'un avocat dès le début de la garde à vue ainsi que pendant les interrogatoires et le droit de se taire. La Cour de cassation a annulé le 19/10/2010 des procédures du fait de l'illégalité de la garde à vue à la française. Il est urgent que policiers et magistrats, qui concourent à faire respecter la loi, ne soient pas amenés à la violer au quotidien en refusant aux suspects l'assistance de leur avocat et l'information de leur droit de ne pas contribuer à leur propre accusation. 2. L'avocat en garde à vue, ça ne sert qu'aux voyous ? Non. C'est précisément pour les honnêtes gens aussi. D'ailleurs les habitués de la garde à vue ont bien moins besoin d'un avocat à leurs côtés que les autres. Vous pouvez être accusé à tort et dès les premiers stades de l'enquête, l'avocat vous aidera à fournir les explications utiles et cohérentes qui éclaireront les enquêteurs ou les éloigneront d'une fausse piste. L'assistance d'un avocat aussitôt que possible dans l'enquête évite également que ne soit ultérieurement remise en cause la validité des déclarations que l'accusé peut avoir fait dès ses premières dépositions. L'avocat peut aussi aider le suspect à avouer quand justement tout l'accuse et qu'il craignait de le faire. Informé des charges qui pèsent vraiment contre lui, le suspect, avec son avocat, contribue souvent à la manifestation de la vérité. Enfin il faut rappeler que la garde à vue, c'est une mesure privative de liberté qui frappe aussi les témoins et même les victimes (qui peuvent parfois être soupçonnés d'être les auteurs d'une infraction quand les circonstances sont confuses à l'arrivée des enquêteurs sur les lieux de commission du crime), dont tout le monde s'accordera à dire qu'ils n'ont pas moins droit à un avocat que les criminels ! 3. Celui qui n'a rien à se reprocher n'a pas de raison de se taire ? Si, et même au contraire ! L'avocat est un excellent rempart contre l'erreur judiciaire qui, ainsi que l'histoire le démontre, est essentiellement faite d'aveux, contraints, ou de déclarations maladroites obtenues par des enquêteurs aussi déterminés qu'habiles. Le droit de ne pas contribuer à sa propre accusation met la personne qui l'exerce à l'abri d'une coercition tentante de la part des enquêteurs. Refusant par principe de faire toute déclaration sans un avocat, on arrivera pas à forcer cette personne à passer des aveux ou à dire des choses qui ne sont pas conformes à la réalité, à la « coincer » sur des détails qui peuvent être lourds de conséquence, à lui faire faire des déclarations qu'elle aura du mal à rétracter une fois extraite de l'emprise policière. Celui qui n'a rien à se reprocher n'a pas à se faire interroger pendant des heures pour lui faire dire autre chose que la réalité de ce qu'il a vécu. Celui qui n'a rien à se reprocher à tout à gagner à se taire. 4. L'avocat en garde à vue et le droit au silence empêchent les enquêteurs de faire leur travail ? Non. Le travail d'enquête s'orientera différemment, plus efficacement. Le travail de terrain remplacera l'enquête depuis les bureaux. Les interrogatoires pour contraindre aux aveux, faute de mieux, se raréfieront et on aura enfin en France des investigations dignes de ce nom. Croyez-vous que les taux d'élucidation soient moindres dans les grandes nations qui disposent déjà de système de défense prévoyant assistance d'un avocat et droit au silence ? Certainement pas et même au contraire. Les enquêteurs seront enfin libérés de ces habitudes qui tiennent aussi à une politique du chiffre. Un fait divers éclate, et il faut aussitôt des suspects en garde à vue, alors qu'on aurait meilleur temps à trouver de vraies preuves. L'avocat en garde à vue va probablement faire changer de siècle notre police. 5. Seuls les riches pourront se payer le luxe d'un avocat en garde à vue ? C'est un fait, l'assistance d'un avocat a un prix, puisque son travail a de la valeur. Si vous choisissez un avocat que vous connaissez ou qui vous a été recommandé, vous devrez en payer le prix. Mais de la même manière que vous l'auriez assumé au moment de devoir vous défendre devant un tribunal, c'est-à-dire presque trop tard. Mieux vaut engager cette dépense nécessaire et peut être salvatrice le plus tôt possible dans la procédure. Ceci dit, il faudra que l'Etat se donne les moyens d'une réforme qui s'impose dans une démocratie comme la France afin qu'il n'y ait pas une « justice de riches » et une « justice de pauvres ». Si vous ne connaissez pas d'avocat ou que vous ne pouvez assumer la charge d'être assisté d'un avocat, vous devez pouvoir bénéficier quand même de ce qui est une garantie fondamentale dans un procès équitable. Le budget alloué à l'aide juridictionnelle qui permet le financement de ce type d'interventions de l'avocat va devoir être nécessairement augmenté en conséquence alors qu'il est actuellement plutôt à la baisse, paradoxalement. C'est ce pourquoi les avocats se battent actuellement, dans l'intérêt des justiciables. Pour les défendre tous.
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Le blogActualité juridique par Claude COUTAZ, avocat. Archives
Décembre 2023
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