Il y a encore plus de 300.000 gardes à vue chaque année en France malgré les récentes réformes tendant à en restreindre l’usage.
Outil majeur de l’enquête de police ou de gendarmerie, le cadre légal pour entendre un suspect, une personne soupçonnée, voire un simple un témoin a considérablement évolué en quelques années notamment par le poids de la Cour européenne des droits de l’homme et la force de la profession d’avocat. La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel ont amené progressivement par leur jurisprudence à accepter quelques avancées vers plus de modernité et à respecter un peu mieux les standards des droits fondamentaux que respectent les grandes démocraties (lesquelles ont, par exemple, pris la directive 2012/13/UE du Parlement européen relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales que la France a péniblement transposée par une loi du 11 juin 2016). Tout cela sans sérieusement nuire à l’enquête qui s’intéressera davantage aux éléments autres que l’aveu, « reine des preuves », si fragile pour établir le crime. Concrètement, une personne est désormais entendue librement ou dans le cadre d’une garde à vue dont le régime juridique diffère mais dont le but est le même : recueillir des explications du suspect ou de la personne soupçonnée. Hors le cas d’une arrestation, cela peut commencer par une convocation de police qui en pratique donne bien des indications à son destinataire et lui permet de se préparer à ce qui est tout sauf anodin. Depuis le 1er janvier 2015 et en application de l’article 61-1 du Code de procédure pénale, la convocation pour une audition libre de la personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction doit indiquer l’infraction dont elle est soupçonnée et son droit d’être assisté par un avocat. Ainsi, toute autre convocation sans une telle mention laisse nécessairement penser qu’il s’agira d’une garde à vue, et non d’une audition libre. « Le mot que tu retiens entre tes lèvres est ton esclave. Le mot que tu as dit est ton maître. » : pour autant selon le Code de procédure pénale, le droit au silence, celui de ne pas s’auto-incriminer n’a pas à être rappelé dans la convocation ainsi faite. Ce droit sera néanmoins rappelé par l’enquêteur avant l’audition libre proprement dite conformément aux dispositions de l’article 61-1. L’avocat permettait d’obtenir cette information dans le cadre du simple « entretien de courtoisie » qu’il avait avec son client avant la réforme du 14 avril 2011. Le fait que l’avocat assiste désormais son client pendant les interrogatoires rend effectif l’exercice de ce droit. L’enquêteur n’a guère d’espoir de faire renoncer au silence celui qui, fort du soutien juridique de son avocat, a décidé d’exercer ce droit fondamental. C’est la même logique pour celui qui décide de répondre aux questions. Répondre aux questions ne signifie pas répondre à toutes les questions, même les plus insidieuses, de celles qui vous feraient dire le contraire de ce que vous souhaitez expliquer. « Chercher à se justifier quand on n’est pas coupable, c’est s’accuser » : il y a donc souvent un stade à partir duquel il faut savoir mettre un terme à l’interrogatoire ou en rendre la poursuite complètement vaine. Et tout au long de l’interrogatoire, il y a des vigilances qu’une personne non avisée ne pourra bien sûr pas avoir. La convocation écrite préalable est désormais prévue par la loi (« si le déroulement de l’enquête le permet », selon le texte). Ainsi c’est toute la panoplie des droits qu’une personne appelée à se rendre dans un commissariat de police ou une gendarmerie viendra chercher au préalable chez son avocat. C’est en pratique ce qu’elle fait le plus souvent. Nombres de personnes exposées à un risque pénal par leurs fonctions ou par hasard tirent le meilleur parti à apprendre les rouages de la procédure pénale, les astuces pour « bien vivre » la garde à vue ou réduire la durée d’un interrogatoire et en optimiser le contenu. Tant et si bien que les cabinets d’avocats faisant référence en la matière ont mis en place des formations destinées à faire face au risque pénal. Elles répondent à un besoin. Elles découlent des réformes tendant à renforcer les droits de la défense et l’équilibre de la procédure pénale. Chefs d’entreprise, responsables publics ou privés, particuliers exposés à un risque pénal peuvent ainsi se former sur leurs droits et les bons réflexes pour se prémunir ou se défendre du risque pénal de leur activité. Sur site ou en cabinet d’avocat, ces « kits de survie du pénaliste » permettent de connaître le cadre légal de l’audition libre et de la garde à vue (qui, quand, pourquoi ? Quels pouvoirs et quels droits ?), de savoir comment se préparer, bien gérer un interrogatoire, et avoir les bons réflexes après et enfin d’avoir une évaluation personnalisée de chacun des participants sur leurs risques particuliers, leurs atouts, leurs faiblesses dans la procédure pénale. « Un homme averti en vaut deux ». Ce qu’il y a de bien maintenant, c’est qu’on est prévenu.
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Le blogActualité juridique par Claude COUTAZ, avocat. Archives
Décembre 2023
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