Il a fallu la loi dite DATI du 24 novembre 2009 pour que les détenus âgés bénéficient selon des conditions assouplies d'un aménagement de leur peine.
L’article 729 du code de procédure pénale fixe les règles d’octroi de la libération conditionnelle et son dernier alinéa précise le cas des détenus âgés de plus de 70 ans : «Lorsque le condamné est âgé de plus de soixante-dix ans, les durées de peines accomplies prévues par le présent article ne sont pas applicables et la libération conditionnelle peut être accordée dès lors que l'insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s'il fait l'objet d'une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l'établissement pénitentiaire ou s'il justifie d'un hébergement, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public. » Détenu à 70 ans. Il faut chercher le sens de la peine à cet âge là. Une punition? Les problèmes de santé la font relativiser. Les établissements pénitentiaires ne sont pas adaptés à un public âgé et c'est la raison consensuelle retenue pour justifier la mesure "de faveur". Or, disons le, à cet âge, le risque de récidive est plus que théorique. Pour l'aménagement d'une peine de prison ferme, on ne saurait, comme pour les détenus "ordinaires", poser trop de conditions liées à des efforts de réinsertion. Trouver un logement (adapté à l'âge et à la dépendance) est donc pratiquement la seule condition, souvent déjà assez difficile à remplir. Evidemment, c'est une importante distorsion par rapport aux autres détenus qui doivent notamment avoir accompli la moitié de leur peine. Ce qui amène d'ailleurs parfois à estimer "prématurée" une demande d'un vieux papy candidat à la libération conditionnelle dans ces conditions. Sauf que c'est l'esprit de la loi. La plus grande difficulté pour son application, c'est la modification du système de pensée des agents du SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation), voire des magistrats (procureurs naturellement mais de manière plus surprenante juges d'application des peines). La frilosité parfois constatée dans l'application, au nom du peuple français, de la loi votée par ses représentants tient sans doute à l'écho médiatique démesuré des rares cas de réitération d'infractions de condamnés en aménagement de peine, d'autant plus rares qu'ils sont âgés. Pourtant, les victimes, l'opinion publique seraient troublées d'apprendre que des cas de récidives auraient scandaleusement pu être évités si la loi avait simplement été appliquée et que, sans cette crainte irrationnelle, un aménagement de peine avait été octroyé. La libération conditionnelle permet de réduire considérablement le risque de récidive. Plus elle est mise en place tôt dans l'exécution de la peine, plus elle est efficace. Plus la personne qui en bénéficie est âgée et plus la récidive diminue. Il est vrai que les données criminologiques existantes et propres à apaiser cette crainte irrationnelle de la récidive ne sont pas diffusées par les grands médias populaires à l'occasion de faits divers à fort impact émotionnel. On l'a vu au sujet des permissions de sortir récemment: avocats ou magistrats "rament" (sans démériter) lorsqu'il s'agit de convaincre le grand public de se défaire des idées savamment distillées par les lobbies de la sécurité et de la peur. Juges et parties, leur science est rapidement discréditée comme partisane, aussi fantaisiste que soit l'idée qu'ils soient des mercenaires du mal contre le bien. Comme après un crash aérien, des experts viennent au JT de 20h rappeler que l'avion est le moyen de transport le plus sûr, à quand l'interview d'une Annie KENSEY (Prison et Récidive - Ed. Armand Colin) à la suite d'un sujet sur un crime abominable passant en boucle sur tous nos écrans ?
1 Commentaire
Nous sommes tous Charlie!
Vraiment ? Alors pourquoi un sentiment de "deux poids deux mesures" empêche certains de se sentir membres à part entière de la communauté des Charlies? Illustrations au prétoire: comparutions immédiates pour apologie du terrorisme alors que l'infraction ne tient pas, peines de prison (ferme ou pas) distribuées dans un malaise général, flexible droit qu'on tord pour trouver de force une réponse à un phénomène de société. Et dans le même temps, toujours la même cécité sur les infractions qui relèvent du racisme. Depuis des années. Deux poids, deux mesures. Exemple : soirée de beuverie, à Grenoble. Il est tard et ça braille dans les rues. Intervention de la police municipale. Faut rentrer Monsieur, il est tard et vous faites trop de bruit. Une petite phrase contre le Président Hollande et les impôts. Et puis la provocation écervelée d'un "je suis Charlie Coulibaly". Premier poids, première mesure dans cette affaire. Comparution immédiate. On reproche, le doigt sur la couture du pantalon une apologie du terrorisme. Embarras dans la salle d'audience quand le prévenu parle comme nous, pense comme nous, est un des nôtres, pas un des autres. Sans se démonter, le Tribunal fait une pirouette pour sauver la face judiciaire de cet épisode de société. Requalification en violence contre les policiers municipaux, les pauvres, qui auraient reçu ces mots comme des coups.S'étaient ils plaint? Non, ils ont parfaitement compris, eux. Le parquet en appel obtient même qu'enfin on dise que c'était bien de l'apologie. Autre poids, autre mesure dans une autre affaire. De jeunes hommes font une soirée dans un appartement à Echirolles, banlieue grenobloise. Leur vient l'envie de tirer gratuitement sur des automobilistes avec une carabine munie d'une lunette de précision. Projectiles traversant nez et gencive, épaule, poumon, estomac de conducteurs qui n'ont eu la vie sauve que par pure chance et qui tous sont d'origine maghrébine. Lors de leur arrestation, l'un des tireurs reprochera aux policiers de faire les cow-boys en arrêtant des blancs, alors que, eux, ont les couilles de s'en prendre aux arabes. Aucune poursuite pour une infraction à caractère raciste, circulez, y 'a rien d'autre à voir que de la bêtise ordinaire selon le Parquet. La politique pénale, qui dans un cas est bien prompte à voir l'apologie de terrorisme et dans l'autre reste aveugle à ce qui crève les yeux, fait litière d'une composante de la devise républicaine: égalité. Non, la justice n'est pas la même pour tous. Alors de quoi a-t 'on besoin ? De plus de lois? Pour lutter contre le terrorisme, son apologie y compris par internet ? L'encre du code pénal et du code de procédure pénale à peine sèche de la précédente réforme ? Et si on avait simplement besoin de se calmer et de reprendre ses esprits? Et de juger sans préjugé... Ah si on pouvait être encore plus de grains de sable dans la machine à expulser les étrangers!
L'idée était simple. Répondre aux questions, c'est notre métier. Nos différents interlocuteurs associatifs, militants, institutionnels rencontrent les mêmes problèmes. Mieux vaut faire ensemble le point sur les questions que tous se posent plutôt que d'y répondre individuellement: chacun gagne du temps, à commencer par nous. Et les étrangers s'en trouvent mieux aidés pour être plus tard mieux défendus. Car enfin, qu'est-ce qui fait qu'un procès va être gagné ou perdu, ou même évité? Le travail et l'expertise de l'avocat, ça ne fait malheureusement pas tout. Les mêmes personnes vont avoir un résultat très différent selon qu'elles auront mis toutes les chances de leur côté dès le départ ou qu'elles auront accumulé les erreurs facilement évitables. Ces personnes ont les mêmes droits mais ne pourront au final pas forcément les faire valoir selon leurs propres choix à un moment de leur parcours. Aussi réunir des personnes de bonnes volonté qui aident les migrants au quotidien pour des modules de formation juridiques autour de thèmes précis (voir dans "espace formations" sur ce site) partager un café et des problèmes, échanger en petits groupes pour avoir les bons réflexes, c'est tout simple. On découvre chacun comment l'autre se bat pour les droits d'étrangers qui n'imaginent même pas en avoir. Le plaisir, c'est d'en avoir eu l'idée et de voir que ça n'est pas pour rien. Le luxe, c'est de prendre le temps de le faire et de le faire pour rien. « L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République » : voici le constat dressé le 23 juin 2010 par Nicolas SARKOZY lui qui a tant œuvré pour les remplir. Localement, la maison d'arrêt de Varces ne fait pas exception : c’est un bâtiment qui vieillit mal dans lequel on entasse des hommes (dont beaucoup sont présumés innocents). En vain l’Observatoire International des Prisons a demandé au préfet en février 2011 la fermeture immédiate du bâtiment en attendant sa remise aux normes. Après un combat de presque 5 ans, un ex-détenu obtient la condamnation de l’Etat pour les conditions de sa détention que le Tribunal administratif de Grenoble juge « contraires à la dignité de la personne humaine ». EXPERTISE IMPARTIALE ET ACCABLANTE L’expert architecte désigné par le Tribunal avait décrit les conditions de détention à la Maison d’Arrêt de Varces. L’administration pénitentiaire avait mis la plus mauvaise volonté à lui laisser faire son travail. Les procédures d’évacuation, les consignes de sécurité (plan ETHARE), le registre de sécurité de l’établissement, le plan particulier d’intervention et le plan d’intervention interne de l’établissement n’ont jamais pu être communiqués à l’expert. En prison, ce qui est dedans doit rester dedans. L'expertise a tout de même pu montrer ce qui ne devait pas être vu, à part par tous les sans voix qui vivent la prison au quotidien. COMME DANS UN PLACARD Promiscuité et tension, c’est la conséquence de la surpopulation. Dans son rapport du 29 juin 2000 sur la situation dans les prisons françaises, le Sénat a déterminé que la capacité d’accueil d’un établissement pénitentiaire se calcule par référence à la surface au plancher, selon nu barème élaboré à cette occasion et au terme duquel une cellule d’une superficie de 11 m² ne peut contenir qu’un seul détenu. Au total, une fois l'espace réservé aux toilettes et aux divers meubles présents dans la cellule, l'espace disponible au sol n'est plus que de quelques mètres carrés au maximum. Cette situation est aggravée quand plusieurs détenus sont incarcérés dans une telle cellule. Elle est d'autant plus préjudiciable que les activités sont rares et que la plupart du temps, les détenus restent dans cette cellule fermée à clef de l'extérieur où il est à peine possible de marcher. En l’espèce, la surface mesurée par l’expert sur une cellule type de la maison d’arrêt de Varces est de 8,32 m². Toutes ces cellules ont des lits superposés pour accueillir deux détenus, parfois plus. Chacun ne dispose donc que d’un espace moyen au moins inférieur à 5 m², voire inférieur à 3 m² notoirement insuffisant, ne serait-ce qu’au regard du cubage d’air disponible par détenu. Le rapport de l’expert pointe dans chaque cellule visitée l’état des fenêtres de la Maison d’Arrêt de Varces qui contribue grandement à l’impression d’enfermement et a pour conséquence : - un éclairage insuffisant dégradant la vue des occupants des cellules - des températures extrêmes en hiver ou en été - une aération non adaptée Le mauvais état des fenêtres a aussi de grandes conséquences sur la température dans les cellules. Les détenus sont obligés de se protéger de la chaleur par des cartons apposés sur les vitrages ou des PLEXIGLASS ou se protéger du froid. L’expert constate qu’il n’y a aucun dispositif permettant de limiter les apports solaires d’où le recours a des « bricolages » constatés dans de nombreuses cellules pour se protéger de la chaleur. L'atmosphère des cellules est souvent étouffante, surtout en été. La présence massive de moustiques à la prison, y compris en dehors de la période estivale, a été signalée à de nombreuses reprises. La conception des vitres « est tout à fait simpliste et non conforme aux règles qui s’appliquent à ce type d’ouvrage » favorise des entrées d’air parasites et l’expert architecte note qu’ « il est vraisemblable que dans certain nombre de cas, le radiateur en place ne permet pas de compenser intégralement les déperditions dues aux défauts affectant les ouvrants ». . Le problème de ventilation est patent. Les commentaires du rapport de l’expert sur ce sujet reprennent le constat fait sur la majorité des cellules : les grilles de ventilation sur des conduits verticaux permettant le renouvellement d’air sont presque tous obstruées. Soit partiellement ou totalement par des travaux de peinture, soit volontairement par l’occupant « pour empêcher la pénétration de cafards ». LA SANCTION PAR L’HYGIENE Les WC ne sont séparés du reste de la cellule que par une seule cloison latérale qui ne monte pas jusqu'au plafond et communiquent donc avec la pièce qui tient lieu, notamment, de cuisine. Quand plusieurs personnes sont détenues dans la cellule, ceux-ci sont réduits à faire leurs besoins au vu et au su de leur codétenu, que bien souvent ils ne connaissent pas. Des infiltrations, de l’eau qui peut stagner, un mauvais état général de certaines cellules ne favorisent aucunement une bonne salubrité des lieux. Cela est confirmé par la présence rapportée de cafards et de rats : « la grille de ventilation haute est obturée avec un carton pour empêcher les cafards de pénétrer dans la cellule » dont l’expert trouvera même les cadavres au cours de son expertise. Un certain nombre de douches ne fonctionnent pas, (« 2 douches ne fonctionnent pas au 4ème étage » lors du passage de l’expert) d'autres ne délivrent qu'un filet d'eau Aux dires de plusieurs détenus concordants bien que recueillis séparément, le sol est souvent si sale qu'il est impossible de se rendre pieds nus à la douche. « Le très mauvais état » des douches est dénoncé dans le rapport de l’expert, il y fait froid en hiver, c’est sale, des courts circuits peuvent intervenir à chaque instant avec les conséquences qu’on imagine dans une salle d’eau… la sanction par l’hygiène en quelque sorte ! NOURRITURE A Varces, il est fréquent que la nourriture arrive froide, et en quantité insuffisante. Le rapport de l’expert réalisé en période estivale n’a pu constater que la nourriture arrivait froide dans les cellules. Il a été constaté que l’assiette de la veille d’un détenu du quartier disciplinaire pouvait rester dans le hall non ventilé en plein après midi. INCENDIE Déjà, en juin 2007, le rapport de la DRASS mentionnait : « En raison du positionnement des ateliers sous les cellules de détention, des travaux sont programmés pour bloquer les aérations entre rez de chassée et 1er étage et prévenir les risques d'incendie » (pièce 7). Malheureusement, un incendie éclatait avant que les travaux aient été entrepris. Un récent rapport de l'inspection départementale du travail relève que l'incendie s'étant déclaré dans l'atelier de la prison suite au meurtre d'un détenu dans la cour le 28 septembre 2008 « a gravement endommagé l'installation électrique qui est entièrement à refaire. Les 4 ateliers de 800 m² séparés par des grilles ne répondant pas aux normes incendie vont nécessiter également l'engagement de travaux supplémentaires ». Selon plusieurs témoignages de détenus concordants, bien que recueillis séparément, les fumées dégagées lors de cet incendie se dirigeaient alors vers les bâtiments de détention par l'extérieur mais aussi par l'intérieur et les coursives. Les cellules des premier et deuxième étages étaient alors largement enfumées. De même, les incendies en cellule démarrés par les matelas sont fréquents. Le 11 janvier 2006, un mineur de 16 ans subissait de graves brûlures après avoir incendié son matelas dans une cellule du quartier disciplinaire de la maison d'arrêt de Varces. Le 19 juillet 2008, un jeune majeur était retrouvé très gravement brûlé dans sa cellule où son matelas avait pris feu. L’OIP demandait la fermeture du bâtiment principal de l'établissement en attendant sa mise aux normes de sécurité incendie. Il rappelait le décès d’un prévenu suite à inflammation de son matelas le 25 décembre 2009. La régularité des départs d'incendie au sein de l'établissement menace concrètement la sécurité des personnes. L’expert n’a pas eu accès aux documents demandés pour s’assurer que le risque d’incendie est maîtrisé. Il fait état de l’absence de dispositif incendie dans les cellules et dans les parties communes. Les dangers électriques sont importants et ils ont été constatés par l’expert et il décrit un système non actualisé de la détection d’incendie, l’absence d’en cloisonnement de locaux du bâtiment principal ainsi que des cages d’escaliers et cages d’ascenseurs, qui font courir des risques inconsidérés à tout le personnel de la maison d’arrêt de Varces. L’ETAT PUNI Fin de l’histoire avec ce jugement, la faute de l’Etat est donc constatée. Les conséquences financières sont de l’ordre du symbole (1000 € pour 6 ans de détention avec les rats, la chaleur et le gel…) mais le combat était mené pour les principes. Quelques coups de peintures n’ont malheureusement rien changé à Varces. Ce sont des milliers de détenus (dont beaucoup sont présumés innocents) qui pourraient encore aujourd’hui se plaindre du manquement de l’Etat qui les entassent dans des conditions d’un autre âge pour les punir. A moins qu’on ne vide les cellules de ces détenus trop nombreux et qu’on se donne les moyens de respecter la dignité humaine en France au 21ème siècle… Les conséquences de la crise, ce sont des salaires non payés, un emploi que l'on perd, un logement que le propriétaire refuse d'entretenir pour son locataire, des loyers impayés. C'est, quand on a perdu son emploi, une relation de couple qui se délite...
Autant de situations dans lesquelles, on a besoin de recourir à la justice. Or le budget de la justice, c'est 0.18 % du PIB, 58 € par habitants, c'est-à-dire, un peu plus que la Pologne, deux fois moins que l'Allemagne. Cela signifie des délais de procédure qui se comptent en mois, en années même. Ce sont aussi des juges qui ne peuvent consacrer assez de temps aux affaires qu'ils doivent juger. Ce sont des avocats qui parfois, c'est vrai, font de « l'abattage » pour rentabiliser leurs cabinets, se tirant ainsi une balle dans le pied, une bonne réputation étant si difficile à faire alors qu'une mauvaise est tellement vite faite. La concurrence n'est pas rude dans ce métier, qui compte beaucoup de places en haut, mais dont toutes les places en bas sont déjà prises. Le Syndicat des avocats de France rappelle que seul un doublement du budget de la justice et un triplement de celui de l'aide juridictionnelle permettrait de sortir cette justice de la médiocrité dans laquelle elle se trouve depuis des années. C'est nécessaire particulièrement en période de crise, car c'est alors que le besoin de justice est le plus important. Ensuite, il faudra changer les mentalités dans la justice, pour qu'elle se donne les moyens d'être respectée par tous en étant elle-même respectable, ce qui, il faut bien le dire, ne coûte rien... On s'est un temps focalisé sur quelques dispositions symboliques de la loi dite Besson qui n'allaient en fait pas concerner grand monde.
Au fond la loi Besson-Hortefeux-Guéant donne aux préfectures un terrible outil d'épuration ethnique qui peut concerner beaucoup d'étrangers. En vigueur depuis juillet 2011, elle n'a pas encore livré toutes ses ressources, et son « efficacité » dépendra de la volonté politique des préfectures et du Ministère de l'Immigration. La France va-t-elle oser aller jusqu'au bout de l'idéologie xénophobe dont ce texte est issu? Si oui, la France est-elle prête à ressortir ses trains pour emmener des indésirables ? Pour l'essentiel, la réforme généralise la mesure d' « obligation de quitter le territoire » (OQT), rendant marginale la mesure de « reconduite à la frontière » (on joue sur les mots), OQT qui sera désormais susceptible d'être assortie ou non d'un délai de départ volontaire (DDV) voire d'une interdiction de retour (IR) empêchant l'étranger de revenir sur le territoire de l'espace Schengen pendant 2 à 5 ans (d'où l'appellation OQT plutôt que OQTF et IR plutôt qu'IRTF, puisque ce n'est pas seulement de la France que l'étranger est mis dehors, mais de beaucoup plus que ça). Une OQT sans DDV impose à l'étranger de partir immédiatement. Elle ne peut être délivrée à l'étranger que par voie administrative (et non par la Poste, comme c'était habituellement le cas à la suite d'une demande de titre de séjour que l'étranger a faite en confiance à l'administration). La loi indique dans quels cas un délai de départ volontaire peut ne pas être accordé, et globalement, cela concerne la majorité des étrangers susceptibles d'être frappés d'une OQT (notamment ceux qui n'auraient pas de passeport en cours de validité, ou qui n'auraient pas d'adresse effective mais une simple domiciliation, ou encore auraient été précédemment frappés d'une mesure d'éloignement non exécutée). Si donc les préfectures doivent donner en main propre aux guichets leurs décisions les plus brutales, ce n'est certainement pas pour laisser repartir les étrangers préparer leurs valises. Les préfectures peuvent dans ce cas placer en rétention administrative l'étranger (le mettre dans une prison pour étrangers) ou l'assigner à résidence (l'obliger à donner son passeport, à résider à telle adresse, à se présenter régulièrement au bureau de police le plus proche... et ce jusqu'à ce qu'un vol lui soit trouvé). Les mesures d'éloignement forcé seront alors rendues plus effectives puisque : - l'étranger n'aura que 48 heures pour saisir le Tribunal administratif (au lieu d'un mois actuellement) - si le Tribunal n'est pas saisi dans le délai ou s'il confirme la légalité de la décision préfectorale, elle sera mise à exécution aussitôt. Cela signifie qu'un étranger qui, en confiance, tente de faire valoir ses droits auprès d'une administration française en présentant une demande de titre de séjour, peut se voir délivrer un récépissé de sa demande, se présenter en préfecture pour se le voir renouveler pendant l'instruction de sa demande, puis un beau jour, s'y présenter encore mais cette fois ci se voir notifier un refus de sa demande, être placé en rétention administrative et s'il n'y prend pas garde, être reconduit aussitôt dans son pays d'origine. Il existe bien une jurisprudence selon laquelle une arrestation aux guichets de la préfecture n'est pas légale car déloyale, mais elle n'empêchera pas les préfectures de faire ce qu'il faut pour respecter l'esprit de la loi. A l'instar de ce qu'il se passe dans le cadre d'une procédure de réadmission d'un demandeur d'asile qui est convoqué par la Préfecture sans que cela soit considéré comme déloyal et qui se retrouve au gré du temps, susceptible d'être reconduit hors de France à chacune de ces convocations sans trop savoir quand, les préfectures pourront vraisemblablement convoquer les étrangers pour un jour leur remettre un récépissé, un jour le leur renouveler, et un jour encore leur notifier l'OQT sans DDV et leur placement en rétention administrative. C'est brutal, ça fait peur, mais c'est efficace. Si c'est bien ce jeu là que les préfectures jouent, la France aura achevé un édifice que Nicolas SARKOZY avait annoncé vouloir construire dès 2006 lorsqu'il indiquait que « la remise en ordre de la politique française de l'immigration n'en est qu'à ses débuts »... Ce sont quantité de personnes qui aujourd'hui vivent avec nous, travaillent pour nous, s'intègrent chez nous, payent nos retraites, payent notre protection sociale, ont des enfants qui sont sur les mêmes bancs que nos enfants, et qui demain ne seront plus chez nous, mais renvoyés chez eux, ou qui seront toujours chez nous, mais qui se cacherons dans la peur et la clandestinité car elles n'oseront même plus faire valoir leurs droits et présenter une demande à l'administration. Enfin pour pouvoir réellement jouer ce terrible jeu que la loi permet, les préfectures devront s'organiser. Pour emmener un étranger en centre de rétention lorsqu'il a été arrêté en Préfecture, il faut une escorte. Pour éviter de mobiliser une escorte pour un étranger de ci de là, il va falloir convoquer les personnes concernées au même moment, leur notifier les OQT sans DDV et les remettre à une escorte plus nombreuse mais qui ne sera mobilisée que ce jour là. Il va falloir prévoir des bus pour aller au centre de rétention... ou des trains. Il va falloir prévoir des avions, des bateaux, pour ramener tout ces gens dans « leur pays»... ou des trains. Des trains ? Moi, ça me rappelle quelque chose... non ? Les magistrats seraient donc frondeurs ? Des mots ont fâché autour de « l'affaire Laetitia ».
Malgré une belle mobilisation pour se faire respecter, il n'est pas certain que le message passe. Parce que les justiciables et d'autres avec eux sont imprégnés par des années de complicité de certains magistrats avec le discours hyper répressif ambiant. Parce que les justiciables et d'autres avec eux ont vu certains magistrats jouer le jeu de l'actuel président de la République avant même qu'il soit président. Parce que certains magistrats, en fait, ont perdu toute crédibilité à réclamer du respect. Respect de leurs fonctions et des institutions, respect que le justiciable peut souvent penser qu'on ne lui accorde pas à lui-même du côté des gens en robe. Le matin du 1er jour du mouvement, la Cour d'appel de Nîmes jugeait un homme pour des violences légères en réunion assorties de menaces de mort. Après un petit discours pour expliquer que les magistrats sont en colère et que les affaires non urgentes étaient renvoyées, et le jugement d'une affaire en visoconférence (même s'il est difficile de marier le mot "jugement" avec celui de "visoconférence", tant la justice ne ressemble vraiment à rien en 16/9ème), on prenait donc la seule affaire qui serait retenue, devant un public clairsemé mais saisi par ce qu'il allait vivre. Le jeune homme exécutait des petites peines jusqu'en 2012 mais visiblement, la Cour a considéré qu'il faisait partie des urgences et a souhaité juger son affaire plutôt que de la renvoyer aussi. En récidive, il ne s'exposait pas à la « peine plancher » compte tenu de l'ancienneté des faits. Schématiquement, on lui reprochait d'avoir frappé 2 codétenus et, après avoir été dénoncé par eux, de les avoir menacés dans un excès de colère. Le jeune homme d'expliquer comment depuis ses 14 ans, il a été élevé en prison et qu'après avoir été le faible parmi les faibles, il est devenu violent pour survivre à cette violence omniprésente qu'il subit lui aussi depuis 9 ans de détention. D'expliquer que son fils vient de naître et que son avenir est dehors, pas dedans, que sa concubine a besoin de son aide maintenant, pas de venir le voir au parloir encore et encore. De dire, avec une sincérité à pleurer, qu'il veut pouvoir faire quelque chose de sa vie, alors qu'il est père de son 1er enfant depuis 6 semaines, et que c'est pour ça qu'il demande une peine qui lui permette de commencer sa vie au plus vite. Les magistrats n'ont pas été de cet avis et c'est leur droit. Ce qui était beaucoup moins légitime, c'était le mépris de la personne qu'ils ont vomi sur ce jeune homme pendant toute l'audience. Les leçons de vie qu'ils se plaisaient à lui donner, du haut de leurs fonctions. Ces gens là ne se comprenaient pas. Lui qui avaient quitté l'école à 9 ans et s'était arrêté au stade de l'addition, ne comprenait pas ces hommes lettrés qui ne supportaient visiblement pas qu'il ait pu faire appel d'un jugement déjà sévère. Pendant le délibéré, le jeune homme a pu prendre son bébé dans ses bras (l'escorte, humaine elle, le lui ayant permis) et pleurer sur ce qui est, n'en déplaise à ses juges, son seul et véritable avenir. Les juges le condamnaient à une peine 5 fois supérieures à la peine plancher (qu'il n'encourait pas). Le respect, ça ne demande pas de moyens supplémentaires. Pour être respecté, il faut être respectable. Ce garçon ne devait sans doute pas l'être aux yeux de ses juges. Les juges ne le sont visiblement pas aux yeux des politiques. Mais quelle image le justiciable a des magistrats? M'est avis que ce jeune homme, toutes les personnes présentes dans la salle d'audience et les spectateurs de ces scènes assez quotidiennes, verront les robes noires défiler sans bien comprendre pourquoi elles réclament du respect. Une réforme majeure de la procédure pénale se profile depuis plusieurs mois. Voici en 5 points les questions qui se posent le plus souvent autour de cette grande avancée des libertés individuelles.
1. Si je suis arrêté et placé en garde à vue, puis-je dire « Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat » ? Oui. Cette évidence cinématographique et télévisuelle qui n'est toujours pas une réalité en France existe pourtant bien. Le droit pour toute personne accusée d'une infraction de ne pas faire déclaration aux enquêteurs sans d'abord avoir reçu les conseils puis l'assistance d'un avocat est une liberté fondamentale. Aux Etats-Unis, ce droit est consacré depuis 1966 et on parle des « Miranda rights » (qui sont lus dès l'arrestation d'une personne soupçonnée par la police) du nom du justiciable qui s'est plaint le premier de la violation du 5ème et 6ème amendement de la constitution américaine. En France, ce droit est consacré par la Convention européenne des droits de l'homme depuis 1953, mais le pays des droits de l'homme que la France est supposée être tarde à l'appliquer. Le Ministre de la Justice annonce une réforme de la garde à vue qui devrait entrer en vigueur avant le 1/7/2011. Pourtant la pression augmente pour que cette réforme intervienne aussi vite que possible. Le Conseil constitutionnel a jugé non-conforme à la Constitution l'actuel régime de garde à vue qui ne prévoit un entretien « de courtoisie » de 20 mn avec l'avocat, sans accès au dossier de l'enquête, sans pouvoir assister aux interrogatoires, sans information du justiciable de son droit à garder le silence. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France le 16/10/2010 dans un arrêt BRUSCO qui rappelle le droit d'être assisté d'un avocat dès le début de la garde à vue ainsi que pendant les interrogatoires et le droit de se taire. La Cour de cassation a annulé le 19/10/2010 des procédures du fait de l'illégalité de la garde à vue à la française. Il est urgent que policiers et magistrats, qui concourent à faire respecter la loi, ne soient pas amenés à la violer au quotidien en refusant aux suspects l'assistance de leur avocat et l'information de leur droit de ne pas contribuer à leur propre accusation. 2. L'avocat en garde à vue, ça ne sert qu'aux voyous ? Non. C'est précisément pour les honnêtes gens aussi. D'ailleurs les habitués de la garde à vue ont bien moins besoin d'un avocat à leurs côtés que les autres. Vous pouvez être accusé à tort et dès les premiers stades de l'enquête, l'avocat vous aidera à fournir les explications utiles et cohérentes qui éclaireront les enquêteurs ou les éloigneront d'une fausse piste. L'assistance d'un avocat aussitôt que possible dans l'enquête évite également que ne soit ultérieurement remise en cause la validité des déclarations que l'accusé peut avoir fait dès ses premières dépositions. L'avocat peut aussi aider le suspect à avouer quand justement tout l'accuse et qu'il craignait de le faire. Informé des charges qui pèsent vraiment contre lui, le suspect, avec son avocat, contribue souvent à la manifestation de la vérité. Enfin il faut rappeler que la garde à vue, c'est une mesure privative de liberté qui frappe aussi les témoins et même les victimes (qui peuvent parfois être soupçonnés d'être les auteurs d'une infraction quand les circonstances sont confuses à l'arrivée des enquêteurs sur les lieux de commission du crime), dont tout le monde s'accordera à dire qu'ils n'ont pas moins droit à un avocat que les criminels ! 3. Celui qui n'a rien à se reprocher n'a pas de raison de se taire ? Si, et même au contraire ! L'avocat est un excellent rempart contre l'erreur judiciaire qui, ainsi que l'histoire le démontre, est essentiellement faite d'aveux, contraints, ou de déclarations maladroites obtenues par des enquêteurs aussi déterminés qu'habiles. Le droit de ne pas contribuer à sa propre accusation met la personne qui l'exerce à l'abri d'une coercition tentante de la part des enquêteurs. Refusant par principe de faire toute déclaration sans un avocat, on arrivera pas à forcer cette personne à passer des aveux ou à dire des choses qui ne sont pas conformes à la réalité, à la « coincer » sur des détails qui peuvent être lourds de conséquence, à lui faire faire des déclarations qu'elle aura du mal à rétracter une fois extraite de l'emprise policière. Celui qui n'a rien à se reprocher n'a pas à se faire interroger pendant des heures pour lui faire dire autre chose que la réalité de ce qu'il a vécu. Celui qui n'a rien à se reprocher à tout à gagner à se taire. 4. L'avocat en garde à vue et le droit au silence empêchent les enquêteurs de faire leur travail ? Non. Le travail d'enquête s'orientera différemment, plus efficacement. Le travail de terrain remplacera l'enquête depuis les bureaux. Les interrogatoires pour contraindre aux aveux, faute de mieux, se raréfieront et on aura enfin en France des investigations dignes de ce nom. Croyez-vous que les taux d'élucidation soient moindres dans les grandes nations qui disposent déjà de système de défense prévoyant assistance d'un avocat et droit au silence ? Certainement pas et même au contraire. Les enquêteurs seront enfin libérés de ces habitudes qui tiennent aussi à une politique du chiffre. Un fait divers éclate, et il faut aussitôt des suspects en garde à vue, alors qu'on aurait meilleur temps à trouver de vraies preuves. L'avocat en garde à vue va probablement faire changer de siècle notre police. 5. Seuls les riches pourront se payer le luxe d'un avocat en garde à vue ? C'est un fait, l'assistance d'un avocat a un prix, puisque son travail a de la valeur. Si vous choisissez un avocat que vous connaissez ou qui vous a été recommandé, vous devrez en payer le prix. Mais de la même manière que vous l'auriez assumé au moment de devoir vous défendre devant un tribunal, c'est-à-dire presque trop tard. Mieux vaut engager cette dépense nécessaire et peut être salvatrice le plus tôt possible dans la procédure. Ceci dit, il faudra que l'Etat se donne les moyens d'une réforme qui s'impose dans une démocratie comme la France afin qu'il n'y ait pas une « justice de riches » et une « justice de pauvres ». Si vous ne connaissez pas d'avocat ou que vous ne pouvez assumer la charge d'être assisté d'un avocat, vous devez pouvoir bénéficier quand même de ce qui est une garantie fondamentale dans un procès équitable. Le budget alloué à l'aide juridictionnelle qui permet le financement de ce type d'interventions de l'avocat va devoir être nécessairement augmenté en conséquence alors qu'il est actuellement plutôt à la baisse, paradoxalement. C'est ce pourquoi les avocats se battent actuellement, dans l'intérêt des justiciables. Pour les défendre tous. La révolution est en marche.
La Cour européenne des droits de l'homme l'a dit mais la France fait la sourde oreille. La garde à vue en France viole les droits de l'homme. Au moment même où l'exécutif annonce que le législatif n'aura pas à connaître d'une avancée majeure pour les droits de la défense et le procès équitable, un magistrat du parquet Grenoble décide d'autoriser la présence de l'avocat en garde à vue. Il faut dire qu'il craint que la procédure menée par les gendarmes soit invalidée par la juridiction de jugement, puisque les avocats à Grenoble, comme partout en France, ont la fâcheuse habitude de contester la légalité de la garde à vue à la française. Ce magistrat, comme tous ceux qui sont convaincus qu'une réforme doit intervenir, et intervenir vite, n'est pas un délinquant. D'autres le sont. Un délinquant, c'est quelqu'un qui viole la loi pénale, et même dès la 1ère fois ! Alors que dire des magistrats qui tous les jours valident des procédures dont tout le monde sait qu'elles sont contraires aux droits de la défense et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui fait partie de la loi pénale applicable en France et qui est même supérieure au Code de procédure pénale français? Exemple, le Tribunal correctionnel de Grenoble qui juge que « la France n'a pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme ». Disant cela, il n'a pas tort, mais ce n'est qu'une question de temps, la France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, comme la Turquie, la Pologne, la Russie et bien d'autres qui pourtant ont une législation en avance sur ce terrain. Adoptant ce raisonnement, le Tribunal se comporte comme un délinquant, qui n'étant pas encore condamné pour ses méfaits, mais les sachant évidemment des délits au sens de la loi pénale, dirait à son juge qu'il continue à les commettre par ce que aucun tribunal ne lui a encore dit qu'ils étaient des infractions. Ces magistrats sont des délinquants, et pour certains des délinquants d'habitude. Ils ne pourront plaider l'état de nécessité ni la contrainte pour s'exonérer. Il n'y a aucune nécessité à empêcher l'exercice des droits de la défense. Qui protègent-ils ? Pour quoi oeuvrent-ils ? L'avocat qui se bat pour ce changement de la loi française protège les libertés individuelles et oeuvre pour la manifestation de la vérité, qui se trouve rarement dans l'aveu que la garde à vue sans avocat tend à obtenir coûte que coûte. Il n'a aucune contrainte qui obligerait les magistrats à commettre ces violations quotidiennes et pour l'instant impunies de la loi pénale. Même les argumentaires abscons diffusés par le Garde des Sceaux pour répondre aux arguments développés par les avocats n'ont aucun pouvoir contraignant pour les magistrats. Qu'ils les méprisent, ils n'en subiront aucune sanction, et au contraire, ils feront avancer la loi française plutôt que, docilement, se plier au calendrier du gouvernement. Vont-ils attendre que la France, prétendu pays des droits de l'homme, soit condamnée par leur faute ? Ou vont-ils reconquérir leurs prérogatives et le respect de leur fonction en appliquant la loi, à commencer par celle qui dans la hiérarchie des normes est supérieure à la plupart, la Convention européenne des droits de l'homme ? Que le juge se libère ! Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a été une fois de plus modifié le 24/7/2006 et l'édifice ainsi achevé ressemblait à s'y méprendre au programme du Front National de 2002, celui là même contre lequel, comme un seul homme, la France d'alors votait pour sauver la République...
A l'époque de sa réforme, selon Nicolas SARKOZY, " malgré l'ampleur du travail accompli depuis 4 ans, la remise en ordre de la politique française de l'immigration n'en est qu'à ses débuts "... ainsi donc, le pire restait à venir, alors même que cette nouvelle réforme donnait à la France un visage qui ne l'honore pas, et alors même que cet homme politique n'était pas encore Président de la République... La réforme s'organisait en 3 axes : elle créait davantage de " sans-papiers ", elle précarisait les étrangers en séjour régulier et elle s'efforçait d'augmenter le nombre d'éloignements forcés du territoire national. 1. Création de " sans-papiers " a. En exigeant un visa de long séjour Ainsi par exemple, les conjoints de français doivent pour obtenir un titre de séjour obtenir au préalable un visa de long séjour, et plus seulement être entrés régulièrement en France. Ils ont donc le choix : rentrer dans leur pays d'origine et attendre la réponse des autorités consulaires (tenues de statuer " dans les meilleurs délais "... autant dire sans vraiment de délai) ou demeurer sans papier en France jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions leur permettant d'obtenir ce visa directement auprès du Préfet (c'est-à-dire vivre en France avec leur conjoint pendant au moins 6 mois sans se faire arrêter) ou s'ils sont rentrés sans visa de court séjour, jusqu'à ce que la préfecture consente à les régulariser, étant précisé qu'ils ne sont désormais protégés contre une mesure d'éloignement qu'après 3 années de mariage... b. En supprimant des possibilités légales de régularisation C'est le cas dramatique des parents étrangers d'un enfant gravement malade qui ne pourrait se soigner dans son pays d'origine et à qui jusque là, on délivrait des autorisations provisoires de séjour puis des cartes de séjour afin qu'ils puissent demeurer auprès de l'enfant malade et que ce dernier puisse se soigner en France. Grâce à l'UMP, la loi prévoit que le préfet délivre une simple autorisation provisoire de séjour (sans nécessairement octroyer le droit de travailler) à un seul des deux parents. Il faut donc choisir lequel des deux parents pourra demeurer auprès de l'enfant malade, l'autre étant alors supposé rentrer au pays... C'est aussi le cas de ces étrangers résidant habituellement en France depuis plus de 10 ans, à qui les préfectures devaient délivrer une carte de séjour (même si en pratique elles exigeaient la preuve de ces années de clandestinité en France parfois avec la plus profonde mauvaise foi). La rédaction issue de la loi du 24/7/2006 du CESEDA supprime cette catégorie prévue par la loi comme donnant droit " automatiquement " à un titre de séjour. Toutefois, elle permet tout de même la régularisation pour ce nouveau sans-papiers, mais aussi d'une façon générale pour l'étranger " dont l'admission exceptionnelle au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ". c. En modifiant les possibilités légales de régularisation Comme le plus souvent, toutes ces situations humaines et bien d'autres étaient résolues par les tribunaux administratifs par le recours à l'article 8 de la CEDH protégeant les liens personnels et familiaux d'un étranger en France, et par son pendant dans le CESEDA, l'article L 313-11 7°... or le CESEDA te qu'issue de la loi du 24/7/2006 énonce des critères d'appréciation de ces liens qui ne manquent pas d'asseoir des refus de titre de séjour par les préfectures. Ainsi si les liens personnels et familiaux doivent être appréciés au regard de leur intensité, leur ancienneté, leur stabilité et la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, qu'en sera-t-il de ce critère pour le moins subjectif des " conditions d'existence de l'intéressé " ou encore de son " insertion dans la société française ". 2. Précarisation des étrangers en séjour régulier a. En retirant ou en ne renouvelant pas des titres de séjour à des étrangers La loi prévoit davantage de situations dans lesquelles on ne renouvellera pas son titre de séjour à un étranger. C'est le cas de l'étranger dont on aurait plus besoin, l'immigration jetable. Ainsi du travailleur qui n'a plus de travail, ou plus l'emploi qu'il devait occuper, ou plus l'emploi dans la zone géographique où il devait travailler... avant l'administration pouvait, maintenant l'administration doit, sauf exceptions. Ainsi encore du sportif ou de l'artiste bénéficiaire de cette nouvelle carte de séjour " compétences et talents ", qui ne participerait plus " au rayonnement de la France " (c'est-à-dire le footballeur... qui perd) et qui perd ainsi son droit au séjour. C'est aussi le cas de l'étranger qui travaillerait trop : l'étudiant qui dépasserait le nombre d'heures de travail salarié autorisées par la loi ne se voit plus seulement refuser son autorisation de travail, mais également son droit de séjourner et d'étudier en France. Mieux vaut être riche lorsqu'on veut étudier en France ! C'est enfin le cas de l'étranger qui se comporterait mal : condamné pour outrage ou rébellion, pour excision ou pour avoir fait travailler un sans papiers, ou encore la prostituée qui dénoncerait son proxénète qui se voit délivrer une carte de séjour temporaire mais n'accéde à la carte de résident de 10 ans que si elle arrive à faire condamner ledit proxénète par la justice... b. En rendant plus difficile encore l'obtention d'une carte de résident plutôt qu'une simple carte de séjour d'un an Pour tous les étrangers qu'on n'aura pas pu empêcher de demeurer légalement en France, le législateur a prévu un arsenal l'empêchant d'obtenir une carte de résident plutôt que son annuelle carte de séjour. L'obtention de la carte de résident n'est plus possible qu'après 5 années de séjour régulier (au lieu de 3 années auparavant, et au lieu d'être automatique après 5 années de délivrance d'une carte de séjour d'un an " vie privée et familiale "). Elle n'est plus que possible après 3 ans de mariage pour les conjoints de français et n'est également possible pour les parents d'enfants français qu'après 3 années... alors qu'on sait que ces gens ont vocation à résider durablement en France. Dans tous les cas, il faut encore que l'étranger respecte les principes régissant la république française et maîtrise la langue française, ces éléments étant appréciés par les Maires de France... diversement selon les communes. c. En empêchant l'étranger d'être rejoint par sa famille par la procédure de regroupement familial Le regroupement familial est limité par la loi. Les conditions de ressources sont resserrées (sont exclus des calculs certains prestations sociales, ce qui ne change en fait rien puisqu'il fallait de toute façon avoir des ressources équivalentes au SMIC) car en France, pour vivre en famille, il faut être suffisamment riche. Les conditions d'appréciation de la suffisance du logement de l'étranger sont désormais appréciées selon les zones géographiques et plus selon des critères nationaux et équitables. Enfin il faut que l'étranger, qui souhaite être rejoint par sa famille, vive en France depuis 18 mois (contre 12 mois précédemment) et se conforme aux principes qui régissent la République Française. Le Maire a, là encore, un avis à donner. Nul doute que certains Maires de France ont du mal à voir d'un bon oeil l'arrivée d'autres étrangers dans leur commune... 3. Augmentation des éloignements forcés a. En limitant la protection légale de certains étrangers contre l'expulsion ou la reconduite à la frontière Ainsi l'étranger vivant en France depuis 10 ans n'est plus légalement protégé contre l'éloignement forcé. Le conjoint de Français ne l'est plus qu'après 3 années de mariage et le parent d'enfant français doit s'être occupé de l'enfant depuis au moins 2 ans (au lieu d'un an) s'il ne s'en est pas occupé depuis la naissance. b. En modifiant les procédures de reconduite à la frontière C'est un pan important de la réforme Sarkozy qui se fixait des objectifs pour augmenter le nombre d'étrangers effectivement éloignés du territoire national. Après une demande de titre de séjour, un étranger qui se voit opposer un refus n'a plus que 30 jours pour saisir le Tribunal administratif (au lieu de 2 mois précédemment). Son recours est suspensif de l'obligation de quitter le territoire (qui lui a été faite en même temps que lui était notifié le refus de titre de séjour) et le tribunal doit juger l'affaire en principe en 3 mois. Toutefois, si l'étranger est arrêté par la police après le délai de 30 jours, il peut être placé en rétention et le tribunal initialement saisi du recours contre le refus de titre de séjour doit juger l'affaire en 3 jours. Les objectifs que souhaite atteindre l'UMP ne peuvent toutefois l'être en affrétant des avions ou des bateaux, mais en réintroduisant en France des convois de trains, quotidiennement et en masse vers l'étranger... Sommes nous prêts à supporter çà pour la France ? Est-ce bien nécessaire alors que notre pays a démographiquement besoin des étrangers ? Le discours du Front National n'en a-t-il pas été vulgarisé et renforcé? Est-ce à ce point devenu politiquement correct en France de mettre en oeuvre une politique xénophobe ? |
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Décembre 2023
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